‘Haye Sarah 5782

 « Elle  [Rivka] finit de le [Eliezer] faire boire et dit : pour tes chameaux aussi, je vais puiser jusqu’à qu’ils aient fini de boire »
(Berechit 24,19)

Le début de la paracha ‘Haye Sarah est consacré à l’achat du terrain de Ma’hpela par Avraham. Ce lieu, est celui où Adam et ‘Hava sont enterrés, et c’est aussi celui où reposent : Avraham et Sarah, Yts’haq et Rivka, Yaaqov et Léa.
Puis la paracha présente le passage où Avraham charge son serviteur, Eliezer, d’aller chercher une épouse pour son fils Yts’haq.
Eliezer va sélectionner une épouse digne du fils de son Maître. Le critère essentiel, c’est la bonté. Dans un couple il faut savoir donner. Ainsi Yts’haq, qui représente la rigueur, la justice, va épouser Rivka, symbole du don, de la bonté, de la largesse. Le résultat de leur union donnera le juste milieu, Yaaqov, le père des 12 tribus d’Israel.

Eliezer veut donc choisir une femme qui sait donner. Elle sera capable de puiser pour donner de l’eau à Eliezer, et ensuite, elle abreuvera aussi les chameaux envoyés par Avraham.

Quand elle rencontre Eliezer, elle lui dit “Bois mon Maître” (Berechit 24,18). Ensuite seulement, elle s’occupera des chameaux (verset en entete).

La guemara Bera’hot 40a nous dit qu’un homme ne doit pas manger avant d’avoir nourri ses animaux. Certains disent que c’est un interdit de la Torah : on dit dans le 2è passage du Chema, “Et je donnerai l’herbe dans ton champ pour ton bétail” et ensuite seulement on a “Et tu mangeras et tu seras rassasié”. L’animal passe avant l’homme. D’autres disent que c’est seulement un commandement rabbinique. Le Rambam dit que nourrir ses animaux en premier est seulement un acte de bonté (facultatif).

En tout état de cause, dans notre paracha Rivka donne à boire à Eliezer avant de s’occuper de ses animaux. Pourquoi ? Si Rivka est caractérisée par sa bonté, pourquoi ne pas s’occuper d’abord des animaux ?

Certains vont répondre qu’ici Rivka n’a pas donné à manger… Elle a juste donné à boire. De là, le Maguen Avraham déduit qu’il est permis de boire avant d’abreuver ses animaux. En revanche, il est interdit de manger avant de les nourrir (Maguen Avraham Ora’h ‘Hayim 167, sayif katan 18).
Toutefois, nombreux sont les décisionnaires qui disent qu’il n’y a pas de différence entre boire et manger : interdit de passer avant ses animaux.

La question revient : Si Rivka est caractérisée par sa bonté, pourquoi ne pas s’occuper d’abord des animaux?

La guemara Kidouchine 82a traite des professions recommandées, celles que l’on doit en priorité enseigner à ses enfants et de celles qui le sont moins. On y traite des problèmes de subsistance (parnassa). Rabbi Chimone Ben Eleazar dit :
Je n’ai jamais vu un animal, ou un oiseau qui ait un métier. Et pourtant, ils se nourrissent sans soucis. Si déjà les animaux, qui ont été créés pour servir l’homme, se nourrissent sans souffrir, à plus forte raison que l’homme qui sert D. devrait se nourrir sans souffrir. Mais que faire, je me suis mal comporté, et j’ai abimé mes moyens de subsistance.

Rabbi Chimone nous dit qu’en théorie, la parnassa ne devrait pas être un souci pour l’homme. Mais, nous nous sommes créés tout seul les problèmes. C’est de notre faute, si nous devons souffrir pour gagner notre pain.

L’animal ne faute pas, il n’a donc pas de difficultés pour se nourrir. Il est même prioritaire. La Torah nous demande de le nourrir avant nous, parce que lui, il ne faute pas. Quand je nourris mon animal avant moi, je reconnais que par mes fautes se nourrir n’est pas simple. Cela demande de faire des efforts.

Dans ces conditions, Rivka aurait-elle dû donner à boire aux chameaux d’Eliezer, avant Eliezer ? Et bien non!

Je peux reconnaître que JE faute, et donc que je suis contraint de faire passer mes animaux avant moi. Mais je ne peux pas décider de dire à l’Autre que c’est un fauteur, et ainsi faire passer ses animaux avant lui.

De Rivka, on peut apprendre que je dois regarder mes fautes…. mais surtout pas celles des autres. Même si nos tendances naturelles nous poussent plutôt à voir les problèmes des autres, si l’on veut grandir, c’est ses propres problèmes que l’on doit traiter. C’est le chameau qui ne regarde jamais sa bosse ! L’homme est doté d’intelligence, et doit grandir et se parfaire !

 

Stéphane Haim COHEN