Chavouot 5783 - Liberté chérie

"D. descendit sur le Mont Sinaï sur le sommet de la montagne. D. appela Moshé au sommet sur le sommet de la montagne et Moshé monta."
(Chemot 19,20)


Cette semaine, jeudi soir, nous entrerons dans la fête de Chavouot. Nous enchaînerons avec Chabbat, qui sera le chabbat Nasso en Israel, et simplement le second jour de Chavouot en dehors d’Israel.

Le verset en entête fait référence à la révélation. D. est descendu sur le Mont Sinaï pour donner par l’intermédiaire de Moshé, les tables de La Loi.

49 jours après Pessa’h, qui est la fête de la liberté physique, nous entrons dans la fête du don de la Torah, que l’on associe souvent à la liberté mentale.

Pendant 7 semaines, nous avons tenté de nous préparer au don de la Torah. Et cette préparation, c’est l’essentiel. Car recevoir la Torah, ce n’est pas un instant à fêter, c’est un chemin qui dure. C’est un cheminement progressif pour acquérir la Torah. D’où le nom de Chavouot = semaines. La Fête de Chavouot est nommée en référence aux semaines qui la précèdent. Car le but est le chemin de la Torah.

A propos des Tables de Loi, dans la paracha Ki Tissa, on dit qu’elles étaient gravées = ‘HaRouT. Les maîtres nous disent, ne lis pas ‘HaRouT mais ‘HeRouT = liberté.


Pourquoi le don la Torah symbolise-t-il le but ultime de la Liberté ? Pourquoi la Torah est-elle pour les Bné Israel la condition sine qua non de la liberté ?

1/ L’explication traditionnelle est que sans loi, je suis esclave de mon moi. Je ne suis donc pas libre. La Loi, qui ne dépend pas de moi, me donne un cadre dans lequel ma liberté pourra s’exprimer.
Être libre ne signifie pas faire ce que mes instinct veulent. Etre libre c’est réfléchir et faire le bien.

2/ La Loi orale.
Au mont Sinaï, nos maîtres nous disent que nous avons reçu aussi la Loi Orale. Ainsi le Rambam explique dans l’introduction à son explication de la Michna que Moshé a reçu les mitswot à écrire, par exemple la soucca. Parallèlement, il  a aussi reçu les détails de cette mitswa à transmettre oralement, par exemple sa surface au sol minimum (7 tefa’him sur 7), sa hauteur minimum (10 tefa’him = environ 80-90 cm), ….

En clair, la Torah Orale a aussi été donnée au Mont Sinaï.

Voici peut-être une autre explication des paroles de nos sages : ne lis pas ‘HaRouT = gravé mais ‘HeRouT = liberté. Ce qui est gravé, c’est la Torah écrite. Quand tout est écrit, il n’y a pas de liberté. Il y a autre chose que ce qui est gravé, c’est la Loi Orale, qui a été donnée à Moshé, et transmise de génération en génération.
C’est la possibilité pour tout un chacun de faire fonctionner son cerveau et de tenter de découvrir la Loi.

Quand tout est écrit, je risque de devenir un robot, qui applique mais qui ne pense jamais. L’étude de la Loi Orale me permet d’exprimer ma liberté pour tenter de découvrir et comprendre ce qui a été donné à Moshé sur le Mont Sinaï, et ainsi me rapprocher de D.

Les deux autres grandes religions issues du Judaïsme n’ont pas de Loi Orale. Les chrétiens, ont conservé ce qu’ils nomment l’ancien testament (et ils ont aboli la loi). L’islam (j’espère que je ne dis pas de bêtise) est centré sur le livre et l’interprétation est souvent mal considérée.

Le Judaïsme avec la Loi Orale, permet à l’homme d’être libre. La Loi Orale donne à l’homme la possibilité de découvrir, de créer.

Aujourd’hui, nous découvrons l’intelligence artificielle. Ce peut être une source de progrès incontestable. Mais, si demain on me dit que l’intelligence artificielle a toujours raison, vais-je continuer à être libre ? Aurai-je le droit d’inventer, de penser contre cette vérité absolue ?
En plus, tel que je le comprends, cette intelligence artificielle utilise le savoir actuel pour me donner une réponse. Mais, moi en tant qu’homme je peux innover, je peux créer, inventer. Je peux être indépendant du passé. Est-ce que l’intelligence artificielle ne condamne pas cette faculté de créer ?

Si je veux continuer à être libre, je dois fortement me méfier de l’intelligence artificielle qui aura réponse à tout. Sans efforts de ma part je deviendrai un simple COnsommateur.

La Loi Orale, qui a été donnée aux Bné Israel sur le Mont Sinaï nous donne la possibilité de développer notre esprit critique pour découvrir la vérité. Et demain, ce qui fera la différence entre la machine et l’humain, c’est la capacité créatrice, nourrie par l’esprit critique. Penser, faire des efforts intellectuels sont aussi des éléments nécessaires à mon bonheur avant, et après 120 ans. Comme le dit la chanson, qu’est-ce qu’il y a de plus doux qu’une page de guemara ? C’est à la fois ce monde ci, et le monde futur !

‘Hag Samea’h
Chabbat Chalom


Stéphane Haim COHEN

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