‘Haye Sarah 5784

 « Et j’ai dit à mon maître : peut-être que la femme ne me suivra pas »
(Berechit 24,30)


Le début de la paracha ‘Haye Sarah est consacré à l’achat du terrain de Ma’hpela par Avraham. Ce lieu, est celui où Adam et ‘Hava sont enterrés, et c’est aussi celui où reposent : Avraham et Sarah, Yts’haq et Rivka, Yaaqov et Léa.
Puis la paracha présente le passage où Avraham charge son serviteur, Eliezer, d’aller chercher une épouse pour son fils Yts’haq.

Avraham a été précis avec Eliezer : il ne faut pas prendre une fille de Canaan. Eliezer, le bon serviteur, va scrupuleusement respecter l’ordre de mission. Il ira chez Bethouel et son fils Lavan, et ramènera Rivka la soeur de Lavan, pour épouser Yits’haq.

Lorsque Eliezer fait la demande à la belle famille, il se présente comme le serviteur d’Avraham, et présente sa mission, et les consignes que Avraham lui a données.

Eliezer raconte donc à la belle famille (verset en entête) :
 « Et j’ai dit à mon maître : peut-être [OULAY] que la femme ne me suivra pas » (Berechit 24,30)

Dans la Torah le “peut-être” est écrit sans le vav du son “ou”. On peut donc le lire “OULAY”, comme on le fait. Mais on peut aussi le lire “élay” = vers moi.

Rashi explique ce double sens. Il nous dit que Eliezer cherchait un prétexte pour qu’Avraham lui demande de prendre la fille d’Eliezer, le serviteur, comme épouse pour Yits’haq. Rashi rapporte la réponse donnée par Avraham selon le Midrach Raba :
Mon fils est béni, et toi tu es maudit, un maudit ne peut pas s’attacher à un béni.

Comment comprendre ce midrach ?

Avraham tout au long de sa vie a tenté de ramener les gens qu’il rencontrait au monothéisme. Son serviteur est on ne peut plus dévoué.
Son serviteur croit en D.
Quand Eliezer a l’impression qu’il a trouvé la perle rare, après l’épisode où Rivka lui donne à boire et abreuve ses chameaux, Eliezer dit :
“Béni soit D., le D. de mon maître Avraham” (Berechit 24,27). Eliezer nous montre l’exemple en bénissant D. !

Et pourtant Avraham ne veut pas que son fils épouse la fille de Eliezer ! Comment est-ce possible ? Avraham, l’archétype de la bonté, celui qui nous sert d’exemple pour faire du bien à son prochain, pour être large… comment peut-il être si dur avec son serviteur ? Comment peut-il être si rigoureux ?

Probablement que cela fait partie du travail d’Avraham sur terre : lui qui est si généreux et bon par sa nature, doit se travailler pour atteindre le juste milieu … Et cette décision, où il doit se montrer intransigeant, montre qu’il le fait avec brio. Sa nature est généreuse, mais son comportement est équilibré, il va choisir ce qui est juste pour l’avenir du peuple juif.

Mais quels ont été les critères d’Avraham pour choisir quelqu’un de sa famille plutôt que la fille d’Eliezer ?

Si Avraham juge la personne qu’il a en face de lui au présent “Ba acher hou cham”, alors forcément il faut choisir la fille d’Eliezer.

  • Qui vit dans un environnement idolâtre ? Rivka !
  • Qui vit chez les roublards ? Rivka !

Qui vit dans un environnement sain ? La fille de Eliezer, qui doit forcément admirer et respecter Avraham; comme son père.
Comme son père, elle doit croire au D. un !

Avraham ne juge pas avec les yeux de présent, ou avec le discours qu’il entend. Il juge le potentiel ! Il appréhende le futur.

Déjà, la semaine dernière dans Vayera, Avraham a écouté Sarah et a renvoyé Hagar et Ychmael car il a prévu un danger futur.
Au contraire, D. ne laissera pas mourir Yichmael, car IL juge “Ba Acher hou Cham”, comme il est au présent.

Pour l’homme, c’est toujours un dilemme ? Quand juger en ne regardant que le présent ? Quand juger en tentant de prévoir l’avenir ? Ne faut-il pas juger avec des a priori positifs ? Comment ne pas tomber dans le procès d’intentions ?

En fait, si je dois prendre une décision qui aura des conséquences sur le futur, alors forcément, je dois tenter de prévoir le comportement de l’autre. Lorsque Avraham cherche une femme pour Yits’hq, il construit le peuple. Il doit donc forcément prendre en compte l’évolution de la personnalité de la future épouse.

Avec ce qui vient de se passer en Israel, nous réalisons qu’il ne faut pas se fier aux apparences, aux discours, ou même penser que l’autre en face de moi est aussi rationnel que moi. Certains environnements sont plus propices que d’autres pour générer des monstres.


Chabbat Chalom,
Stéphane Haim COHEN

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