Pessa’h 5782

" Nous étions les esclaves de Pharaon en Egypte"
(Début de la hagada)


Chabbat qui arrive sera en même temps le premier jour de Pessa’h. Vendredi soir, nous lirons la hagada.

Pessa’h est souvent qualifié de fête de l’éducation.

Lors du seder, les enfants vivront une expérience qui les marquera pour toute leur vie. On donne la parole aux enfants, on les incite à poser des questions, on leur raconte notre situation à l’origine, en Egypte, on raconte les souffrances vécues.

Le seder de Pessa’h est un moyen pour éduquer les enfants. Mais, plus que cela, les évènements de Pessa’h sont pour nous une invitation à comprendre comment éduquer les enfants.

En effet, les Bné Israel descendent en Egypte comme une grande famille qui déménage : 70 âmes. Au sortir de l’Egypte, ils seront 600 000. C’est un peuple qui naît.

D. a promis à Avraham, Yts’haq et Yaaqov, une descendance, un peuple, une terre. Mais le peuple est encore enfant. Mérite-t-il la Torah ? Est-il capable d’entendre le message divin ? Sera-t-il capable d’établir une société modèle, une société juste sur la terre qui lui est promise ?

Le peuple est encore en gestation, ou au mieux, le peuple est enfant, il faut l’éduquer. Comment dans un monde vicié, faire naître un peuple capable d’être l’antithèse de tout ce qui existe autour ?

En faisant l’expérience de l’Egypte, le peuple aura pour contre-modèle tout ce qui se fait de pire.
Etre esclave en Egypte, c’est être du mauvais côté de la barrière. C’est le pays d’un despote prêt à tout pour conserver et accroître son pouvoir. C’est le pays où on préfère noyer les bébés des bné Israel, pour éviter de perdre cette formidable force de travail que constituent les esclaves.

L’Egypte c’est le pays des vaines croyances, de l’idolâtrie. On adore le fleuve parce qu’il est utile. Les divinités sont utiles. Elles sont au service des hommes. C’est dans ce fleuve adoré, que l’on noiera les garçons des bné Israel.

L’Egypte, c’est le pays fort. Le pays des forts qui écrasent les faibles.

L’Egypte était la puissance dominante. Elle servait d’exemple pour toute l’humanité. Ses vices et ses travers étaient des exemples pour qui rêvait de puissance. Pour les bné Israel, c’est tout le contraire. Vivre en Egypte en tant qu’esclave, c’est voir l’autre côté du miroir. Souffrir en Egypte, c’est la seule façon de comprendre que l’on doit se comporter différemment.

Celui qui a souffert en tant qu’esclave, pourra comprendre le message de la Torah qui se soucie du faible, de l’opprimé. Celui qui a souffert en tant qu’esclave pourra apprécier le chabbat, fondement du judaïsme.

Éduquer le peuple c’est le mettre en condition de comprendre par lui même ce qui n’est pas acceptable.

Eduquer un enfant, un adolescent, un proche, c’est se débrouiller pour qu’il comprenne de lui-même ce qui est bien et ce qui ne l’est pas.

L’éducation idéale, c’est s’arranger pour que l’enfant pense par lui-même, et découvre par lui-même ce qui est juste et bien.

Parfois l’enfant ne se comporte pas comme le parent le souhaiterait. Parfois le parent sait que l’enfant se fourvoie … et malgré tout, il faut savoir se taire. Surtout, si l’enfant est  adulte. L’enfant, forcément, a moins d'expérience que le parent. Mais ce n’est pas lui rendre service que de lui imposer sa vue de l’esprit. C’est contre-productif. La meilleure éducation, c’est de lui donner les moyens de bien appréhender la réalité.

Mais avant d’éduquer les autres, il faut s’éduquer soi-même. Pessa’h nous le permet.

En effet, nous sommes souvent esclaves de notre nature. Certains sont colériques, d’autres amorphes. Certains sont pingres, d’autres dépensiers. Certains sont muets, d’autres ont la bouche qui déversent des méchancetés ou des mots grossiers.

S’éduquer c’est se connaître, savoir s’évaluer, et tenter de trouver l’équilibre, pour lutter contre ses tendances naturelles qui ne sont pas forcément bonnes.

La recette est simple. Si je ne fais pas d’efforts, c’est que je me laisse guider par mon instinct, mes tendances naturelles. Comme le ‘hamets, si on ne travaille pas la pâte, elle gonfle naturellement. La matsa demande du travail, il faut pétrir sans interruption. Le ‘hamets, c’est simple, il suffit de ne rien faire et la pâte devient ‘hamets.

S’éduquer, c’est faire travailler sa raison, pour mieux se connaître, et ensuite se fixer un cap. Ce n’est pas simple. Mais si je me suis convaincu du bien fondé de mon analyse, même si le chemin est difficile, même si la route est semée d'embûches, alors, au prix d’efforts importants, je pourrai contrebalancer mes tendances naturelles.

Bien se connaître, bien analyser la situation, bien comprendre son rôle sur terre, n’est pas évident. Rappelons qu’en Egypte, malgré les miracles qu’ont vécu les Bné Israel, 4/5  du peuple à choisi de ne pas suivre Moshé. Evoluer, c’est exigeant. Mais évoluer, se changer, c’est cela la réelle liberté.

Pessa’h est une invitation à marcher vers la liberté. Avoir conscience que l’on n’est pas parfait, et que la vie est un moyen de me parfaire, c’est déjà un pas engagé dans la bonne direction.

L’année prochaine à Jerusalem complètement reconstruite !

Chabbat Chalom
Pessa’h Cacher VeSamea’h

Stéphane Haim COHEN