Pin’has 5783

 « Pin’has fils d’Eleazar fils d’Aaron le Cohen retira Ma colère contre les bné Israel en prenant Ma vengeance de parmi eux et Je n’ai pas détruit les enfants d’Israel dans Ma vengeance.» (BAMIDBAR 25, 11).


Prendre la décision d’agir pour l’honneur de D. est terrible. Il faut être persuadé d’avoir raison… comme toute personne qui est persuadée d’agir pour le bien… Mais rares sont les personnes qui agissent en pensant obéir à leur moi… Quand on agit, on se trouvera toujours un bon prétexte qui nous permettra de vivre et garder sa bonne conscience… On sera facilement convaincu d’agir pour l’honneur de D., pour le bien de son prochain, ou pour le progrès de l’humanité.


Pin’has est l’homme zélé, qui a tué d’une même lance Zimri, prince de la tribu de Chim’on et Kozbi fille de Tsour (Prince de Midiane). Tsour était le roi le plus important de Midiane (Rachi) et n’a pas hésité à prostituer sa fille, et à l’envoyer séduire les Bné Israel. Les Bné Israel ont ainsi fauté, et une terrible épidémie a frappé le peuple. L’épidémie s’est arrêtée lorsque Pin’has a tué Zimri et Kozbi, « Parce qu’il [Pin’has] a vengé son D. ».
A propos de l'acte de Pin'has on dit toujours qu'il a bien agi, mais si l'on demande aux rabbanim la conduite à tenir, et bien l'on ne recommandera pas le comportement de Pin'has. C'est «Hala'ha ve ein morine ken ».

Pin’has est l’exemple à ne pas reproduire, de celui qui a vraiment agi pour le Nom de D.

La Haftara, tirée du Livre des Rois I, nous présente un passage où Eliahou, le prophète, va dialoguer avec D.
Eliahou  dira “J’ai vengé pour [le Nom] de D.” (Mela’him I, 19,10). C’est le lien avec la paracha.

Le Rav Jonathan Zacks zal, nous propose une lecture particulièrement originale de la Haftara. Dans  Sig VeSia’h, son commentaire sur la paracha Pin’has commence par un rappel historique.

En 1165 la communauté juive du Maroc a vécu une situation terrible. Les Almohades ont pris le pouvoir, et ont laissé un choix “simple” aux juifs : la conversion à l’islam ou la mort. Certains ont préféré devenir des musulmans de façade, et rester juifs de coeur.
Ils se sont adressés à un Rav dont le nom nous est inconnu : peut-on rester un juif en vivant extérieurement comme un musulman dans une société musulmane ? Le Rav répondit, qu’il est impossible de se considérer comme juif, ou de faire partie de la communauté lorsque l’on est devenu un musulman (même extérieurement).
En clair, le Rav a rejeté ces “Anoussim” forcés de se convertir.

Le Rambam dans la lettre “Igueret Hachemad” a pris le contrepied de cette position. Il a expliqué, le comportement à suivre dans un environnement aussi hostile. Il faut en priorité tenter d’aller vivre ailleurs, dans un pays plus respectueux des différences. Mais, s’il n’y a pas le choix, alors, mieux vaut se convertir extérieurement et rester juif au fond de soi, en attendant des jours meilleurs. Toutefois, celui qui accepte la mort accomplit la mistwa de sanctification du nom de D.

En résumé, le Rambam a tenté de rapprocher ceux qui ont été mis au ban de la communauté.

Le Rambam étaye sa thèse en rappelant que des grands de notre peuple ont été punis pour avoir parlé contre l’Assemblée d'Israël. Moshé, Eliahou, IsaÏe ont payé pour cette faute.. et ce sont des prophètes ! Alors nous, comment oserions-nous rejeter une partie du peuple, au nom de D. !

La Haftara de la semaine commence après le passage où Eliahou a montré au peuple la futilité des prophètes du Baal et de la Achera (idolâtries). Le peuple a ainsi compris où est la vérité. Ensuite, le peuple a massacré ces 400 prêtres de l’idolâtrie.
Au début de la Haftara Eliahou le prophète doit s’enfuir car A’hav et Izevel veulent le tuer. En effet, c’est à cause de lui que les prêtres du Baal ont été massacrés.

Eliahou arrive dans une caverne, et D. va s’adresser à lui.
D. demande : Comment vas-tu Eliahou ?
Eliahou répond : “J’ai vengé D., car les Bné Israel ont abandonné ton alliance, ils ont détruit tes autels, ils ont fait passer tes prophètes par le glaive, et je suis resté seul …” (Mela’him I, 19,10)

Puis D. demande à Eliahou de sortir, et Eliahou a une vision avec une tempête, un vacarme, du feu. Mais le verset précise, D. n’est pas dans la tempête, ni dans le vacarme, ni dans le feu… mais D, on le perçoit dans le “doux et subtil murmure”.

Et D. repose la même question :
Comment vas-tu Eliahou ?
Eliahou apporte la même réponse : “J’ai vengé D., car les Bné Israel ont abandonné ton alliance, ils ont détruit tes autels, ils ont fait passer tes prophètes par le glaive, et je suis resté seul …” (Mela’him I, 19,10)

Le Rambam cite le Midrach (Chir Hachirim Raba) sur le dialogue entre D. et Eliahou:

Eliahou : “J’ai vengé D., car les Bné Israel ont abandonné ton alliance”
D. : peut-être est-ce TON alliance ?

Eliahou : Ils ont détruit tes autels
D. : peut-être ce sont TES autels ?

Eliahou : Ils ont tué tes prophètes
D. : Mais tu es là !

Eliahou : Je suis resté seul, et ils ont voulu me tuer
D. : Avant de dénoncer les torts du peuple d’Israel, ne devais tu pas dénoncer les torts des autres nations … Vas, retourne à ton chemin.

Et juste après D. demande à Eliahou d’aller oindre Elicha, qui sera le prophète qui le remplacera.

En fait, Eliahou n’a pas compris le message divin. D. a posé 2 fois la même question, Eliahou a eu une prophétie… et la réponse reste identique. Eliahou n’a pas compris, que l’on rencontre D. dans le doux murmure, et pas dans les oppositions frontales.

D. ne veut pas que l’on rejette !

Le rôle du prophète, le rôle du dirigeant est de rapprocher plutôt que d’exclure. En rejetant, en clivant, on se perd.

En ces moments où la désunion semble prospérer, à nous de faire les efforts pour trouver ce qui nous rassemble plutôt que de crier ce qui nous sépare. Ainsi, nous aurons le mérite de créer une société qui se rapprochera de D. et nous hâterons la venue du Machia’h.


Chabbat Chalom
Stephane Haim Cohen
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