Toledot 5782 - Les gènes

 « Ce sont les descendants de Yts’haq le fils d’Avraham, Avraham engendra Yts’haq»
(Berechit 25,19)


La paracha Toledot nous raconte une partie de la vie de Yts’haq et de sa femme Rivka. Ils vont avoir des jumeaux : Esaw et Yaaqov.
Dans cette paracha, Yaaqov achète le droit d’aînesse qu’Esaw dédaigne et méprise. A la fin de Toledot, grâce à la clairvoyance de Rivka, Yaaqov obtient toutes les bénédictions de son père Yts’haq, la bénédiction sur l’aspect matériel, puis celle du spirituel.

L’élève : Les premiers versets de la paracha sont étonnants, pourquoi tant insister sur la filiation Avraham-Yts’haq ?

Le professeur : Effectivement, Rashi s’est intéressé à ce premier verset qui semble bizarre. On dit que Yts’haq est le fils d’Avraham, puis on redit qu’Avraham a engendré Yts’haq.
Rashi dit que la Torah insiste sur la filiation car les moqueurs de la génération disaient que Yts’haq n’était pas le fils d’Avraham, ils soutenaient que c’était le fils d’Avimele’h. La Torah insiste donc : Yts’haq est vraiment le fils d’Avraham.
Le Rav Zacks zal rappelle que déjà, dans la paracha de la semaine dernière, on avait souligné qu’Avraham et Yts’haq se ressemblaient physiquement. Et Avraham a demandé de devenir vieux physiquement afin que le père et le fils ne soient pas confondus. On avait lu dans la paracha ‘Haye Sarah la répétition “et Avraham était âgé, il avançait dans jours” (Berechit 24,1). Avraham et Yts’haq se ressemblent, pour faire taire les médisants.

La répétition dans le verset en entête peut aussi nous faire comprendre que Yts’haq est le vrai héritier d’Avraham. C’est lui qui va continuer son chemin. C’est son héritier, par les gènes, et par le message qu’il va continuer à faire passer.

Yts’haq sera confronté à des problèmes très similaires à ceux qu’avaient rencontrés Avraham. La famine, risquer de perdre la vie ou sa femme (et donc la faire passer pour sa soeur), les puits, … autant de resemblances entre Avraham et Yts’haq.

Tout se passe comme si la Torah nous dit que Yts’haq va reprendre le flambeau car il est le fils d’Avraham. Il lui ressemble. De par ses gènes, il est constitué pour être le maillon suivant. Mais, ce n’est pas tout, c’est Avraham qui a engendré Yts’haq i.e. Yts’haq a vécu dans un environnement tel qu’il a pu prendre la relève. Il a vécu aux côtés de son père, le symbole de la bonté, celui qui a découvert D.

L’élève se révolte : Ce n’est pas juste ! Uniquement grâce à ses gènes, et grâce à l’environnement dans lequel il a grandi, il va devenir le second patriarche ?!?

Le professeur : Pourquoi crois-tu que juste après la présentation de la filiation de Yts’haq, on parle de celle de son épouse, Rivka ?
Rivka est la fille de Bétouel, un idolâtre. Elle a été élevée, avec Lavan, son frère, un roublard de premier ordre. Et pourtant, elle va devenir Rivka. C’est une rose qui est sortie de parmi les ronces. Malgré ses gènes, et malgré l’environnement dans lequel elle a été élevée, elle va s’en sortir.
Les gènes existent, l’influence de l’environnement est indéniable, mais on est libre on peut les dépasser et se dépasser.
Certains peuvent rater leur vie parce qu’ils mettent tous leurs problèmes sur le dos de leurs parents, de la faute à pas de chance, de la cuillère d’argent dans la bouche qu’ils n’ont pas eu dans leur enfance… Mais comme le dit le Rav Benchetrit, la foi, c’est de comprendre que nous vivons dans une réalité à laquelle nous sommes capables de faire face. L’environnement dans lequel je vis est une opportunité pour me réaliser. Je dois juste m'adapter pour réaliser mon potentiel. Telle est ma mission.

D’ailleurs, si Rivka tient son rôle de matriarche, c’est grâce à ses gènes. Ce qui aurait pu constituer un handicap va s’avérer un atout. Elle a été élevée chez les roublards, c’est pourquoi elle pourra déceler le vice chez Esaw. Et c’est aussi grâce à cela qu’elle sera capable de mettre en place un stratagème pour que Yaaqov puisse recevoir toutes les bénédictions de Yts’haq.

Elle utilise sa personnalité, son héritage, à bon escient. Elle transforme ce qui aurait pu être un passif en actif. Elle se réalise. Elle a compris qu’il ne sert à rien de se lamenter sur son passé, sur son enfance. Il faut avancer. c’est celà se réaliser, c’est celà la clé du bonheur.
Comme dit le poète:

“Pour que tu sois belle, il faudra que tu le deviennes
Puisque tu n'es pas née jolie
….

Tout ce que le sort ne t'a pas donné
Tu le prendras toi-même
Oh, rien ne sera jamais facile
Il y aura des moments maudits
Oui, mais chaque victoire ne sera que la tienne
Et toi seule en sauras le prix”


L’élève : Mais malgré tout, quand on naît dans une bonne famille, quand on naît riche, beau, fort et intelligent, c’est tout de même plus facile ! Et ce n’est pas juste !

Le professeur : Regarde Esaw, où a-t-il été élevé ? Chez Yts’haq et Rivka ! A-t-il eu une enfance difficile ? Non. Son environnement était-il vicié ? Non !
Et pourtant il est devenu Esaw, le méchant, le meurtrier.

Si Yts’haq est devenu Yts’haq, s’il est devenu le second patriarche, c’est qu’il a su réaliser son potentiel.

Chaque humain est unique, malgré les gènes, malgré l’environnement. De la même façon que D. est un, nous devons comprendre que tout humain est unique. Nous avons un potentiel à réaliser !

Stéphane Haim COHEN