Vayehi 5782

« Ils [les frères] ordonnèrent de dire à Yossef, ton père a ordonné avant sa mort en disant : Ainsi vous parlerez à Yossef, je t’en prie, pardonne la faute de tes frères….»
Berechit (50,16-17).

La paracha de la semaine conclut le livre de Béréchit. Le peuple des enfants d’Israel (Yaaqov) est à présent une entité à part entière, bien que résidant en Egypte.
Yaaqov, le troisième patriarche bénit, dans notre paracha, ses enfants, les 12 tribus, avant de rejoindre le monde de la Vérité.
La guemara Yebamot 65b, nous rapporte au nom de Rabbi Eléazar, fils de Rabbi Chim’one qu’il est permis de changer la vérité pour préserver la paix. Comme, il est dit (verset en entête) « ton père a ordonné »…
Comme le rappelle le Rav Zacks zal dans Sig VeSia’h, ce que racontent les frères à Yossef est une pure invention…. C’est un mensonge “blanc”.
Si Yaaqov avait vraiment eu le moindre doute sur le futur comportement de Yossef envers ses frères, il lui en aurait parlé directement. Il a bien fait jurer à Yossef de l'enterrer en terre sainte, … il aurait pu aussi lui demander de pardonner à ses frères.
Yossef comprend donc maintenant que ses frères le suspectent de vouloir se venger, et donc ils inventent une pseudo-recommandation de Yaaqov. Yossef se met donc à pleurer, et les rassure ensuite.

Le Rav Zacks rappelle que déjà dans la paracha Vayera, c’est D. qui transforme des mots de Sarah, pour préserver le chalom avec Avraham. La vérité s’efface devant le chalom.

Dans ce monde-ci, on ne peut pas trouver la perfection. Et parfois, même les valeurs sacrées pour nous se contredisent. Ainsi, la liberté et l’égalité sont antagonistes. Certains diront qu’il faut la fraternité pour les réconcilier.

Dans notre paracha c’est la paix et la vérité qui s’opposent. Parfois pour obtenir la paix, il convient de mentir. Ainsi, dans la guemara Ketouvot 16b, on demande que dit on à la mariée le jour de son mariage ? Beth Hillel disent :  “qu’elle est belle et gracieuse”. Beth Chamay disent que si on ne la trouve pas belle, on ne dit rien.

Le Rav Zacks rapporte un midrach. Rabbi Simone dit qu’au moment de la création de l’homme plusieurs groupes d’anges sont venus argumenter devant D. :
La bonté a dit : crée l’homme, car l’homme sera bon
La vérité a dit : ne crée pas l’homme car il est entièrement mensonge
La justice (Tsedeq) a dit : crée l’homme car il fait la justice/charité
La paix a dit : ne crée pas l’homme car il est entièrement disputes.

Qu’a fait D. ? il  a pris la vérité et l’a jetée sur la terre.

Le Rav Zack explique que le midrach de la façon suivante.

Tant que les hommes sont persuadés de détenir le monopole de la vérité, ils ne cesseront de se disputer. Les hommes ne pourront vivre en paix que s’ils ont conscience qu’ils sont mortels, et que tout au long de leur vie ils ne pourront découvrir qu’une partie de la vérité. La vérité à laquelle nous avons accès sur terre ne sera que partielle.
D’ailleurs la michna et la guemara sont des lieux de discussions où l’on apprend à comprendre aussi les idées que l’on ne partage pas.

Nos maîtres nous ont donc appris que lorsque la vérité et la paix s’opposent, nous devons préférer la paix. D’autant plus que s’il y a la paix, on a plus de chances ensuite de s’approcher de la vérité.

Les frères n’ont pas menti à Yossef quand ils disent que leur père a demandé à Yossef de pardonner. En fait, ils transmettent simplement le vrai message de leur père. Yaaqov a voulu que la recherche de la paix soit ancrée dans le caractère de ses enfants et du peuple qui naît. C’est la seule façon de se rapprocher de la Vérité.

Chabbat Chalom
Stéphane Haim COHEN