Vayera - Prendre et Donner

« Ils [les gens de Sodome] appelèrent Loth et lui dirent : où sont les hommes qui sont venus chez toi cette nuit ? Fais les sortir … »
Berechit 19,5

VAYERA est la Paracha qui nous raconte plusieurs moments clés de la vie d’Avraham. Entre autres :

  • D. qui se révèle pour visiter Avraham malade
  • La visite des anges chez Avraham, et son hospitalité.
  • La négociation avec D. pour sauver les villes de Sodome et Gomorrhe, et la destruction des villes
  • L’ultime épreuve : la ligature de Yts’haq.

Sodome et Gomorrhe sont l’anti-thèse d’Avraham. Ce sont des villes où l’hospitalité est interdite. Loth y habite, et malgré les interdits, il reçoit les anges dans sa maison. Il met sa vie en péril simplement parce qu’il leur offre l’hospitalité (verset en entête).


Mais pourquoi Sodome interdit-elle l’hospitalité ? Est-ce le manque de ressources ?
Sont-ils les ancêtres de Malthus (pasteur anglican et économiste mort au 19è siècle) ?
Voici ce que dit Malthus
« Un homme qui naît dans un monde déjà occupé, si sa famille ne peut pas le nourrir, n’a pas le moindre droit à réclamer une portion quelconque de nourriture, et il est réellement de trop sur la terre. Au grand banquet de la nature, il n’y a point de couvert mis pour lui. La nature lui commande de s’en aller, et elle ne tarde pas à mettre elle-même cet ordre à exécution. »
Pour Malthus, c’est la limitation des ressources qui force à laisser mourir de faim le pauvre. Pour Sodome, c’est plus que cela : Donner c’est mal.

Dans le traité de Avot, (pirké avot), on parle de midate sodome, la caractéristique de Sodome : ce qui est à moi est à moi et ce qui est à toi est à toi. Même si M. X peut profiter du bien de M. Y, sans rien retirer à Y, malgré tout Y refuse ! C’est cela midate Sodome. M. Y ne perd rien, mais il ne veut pas que Y profite de lui.
Pour Sodome, même si la vie est injuste, je n’ai rien à faire. Si le pauvre souffre, je n’ai pas à intervenir. Il ne faut surtout pas donner !


Avraham, c’est exactement le contraire. Il DONNE un toit à celui qui n’a pas d’abris, il donne du repos à celui qui voyage, il donne des repas à celui qui a faim, il donne de la sagesse à celui qui ne connaît pas encore le D. UN.
Quand il voit une injustice, il se bat. Quand il apprend que D. va détruire Sodome et Gomorrhe, immédiatement il tente d’intervenir. Les injustices sont tellement insupportables pour lui, qu’il ne peut s’empêcher de négocier avec D. :
“vas-Tu vraiment anéantir le juste avec le méchant ?” (BERECHIT 18,23)

Avraham est devenu Avraham car il n’a cessé de DONNER, et de se battre contre les injustices. Sodome et Gomorrhe ont terminé anéantis car non seulement ils ne donnaient pas, mais en plus ils interdisaient de donner.
Donner, c’est ressembler au Créateur, Donner c’est comprendre que l’on n’est pas seul au monde. Sodome et Gomorrhe étaient stériles, les hommes de donnaient pas… ils ont terminé dans un déluge de feu et de sel. La terre y deviendra stérile à leur image… elle ne donnera plus rien !


De nos jours, la plupart des pays ont compris qu’on ne peut pas laisser le pauvre mourir de faim. La politique sociale de l’Etat prend souvent la place de la charité privée. L’Etat donne de plus en plus. La France est probablement un des pays qui distribue le plus d’aides en tout genre à sa population.
Est-ce qu’un Etat qui donne permet de rendre ses habitants plus heureux ? plus grands ?

Il est clair que sur le plan économique les gens ne mourront pas de faim, et seront soignés comme il se doit. Le problème est que l’Etat peut se transformer en une machine à fabriquer des gens qui prennent.
Un enfant prend … tant qu’il est enfant. Adulte, il doit forcément commencer à donner, sinon c’est le signe qu’il est resté enfant. Dans un pays, c’est la même chose, donner c’est bien, mais si cela incite la population à vouloir prendre perpétuellement, on va créer des gens malheureux, des preneurs professionnels.
Pour financer de telles politiques, l'Etat doit aussi se financer. Les impôts peuvent être perçus comme un financement des besoins des plus faibles, mais quand ils dépassent un certain niveau, l’impôt tue l’impôt. La courbe de Laffer symbolise cette inefficacité. A partir d’un certain taux de prélèvement, augmenter l’imposition fait diminuer les recettes de l’Etat. L’Etat est ainsi perçu comme celui qui prend, au lieu d’être vu comme celui qui donne.
On crée ainsi une société où l’on pousse les gens à prendre. On ne dira pas que puis-je faire pour l’Etat, mais qu’est-ce que l’Etat peut faire pour moi ?
 

Il est illusoire de pouvoir penser que l’Etat puisse remplacer la justice-charité privée ! Ce n’est pas son rôle ! Que l’Etat soit un filet de sécurité, oui ! Mais la justice-charité doit être de l’ordre du privé. A l’image d’Avraham, tout le monde doit apprendre à DONNER, c’est comme cela que l’on grandit ! A l’image d’Avraham, tout le monde doit être révolté face aux injustices, c’est comme cela que je m’approche de la vérité !

Chabbat Chalom
Stéphane Haim COHEN
www.limud.net