Vayichla’h 5784

 « J’ai eu boeuf et âne, mouton, serviteur et servante …»
(Berechit 32,6)

Au début de la Paracha Vayichla’h, Yaaqov se prépare à retrouver son frère Esaw. Rappelons la façon dont ils s’étaient séparés dans la paracha Toledot : Esaw voulait tuer son frère Yaaqov suite à l’épisode de la bénédiction d’Isaac.

• Il se prépare à l’affrontement armé, en séparant sa famille en 2 camps. Si l’un des deux devaient être frappés, l’autre serait sauvé.
• Il prie D. de l’aider en disant, en autre, « Sauve-moi de la main de mon frère de la main d’Esaw ».
• Il prépare des cadeaux pour amadouer son frère (il veut négocier !).

Yaaqov envoie des messagers qui parleront à Esaw.

Yaaqov a passé 20 ans chez Lavan le roublard. Yaaqov s’est donc perfectionné dans l’art du langage. Les mots qu’il fait porter à Esaw sont chargés de sous-entendus, et ont souvent un double sens. Sous un apparent désir de soumission à son frère, Yaaqov va avertir son frère, voire le menacer.

Le verset en entête fait partie du message que Yaaqov envoie à esaw.
 « J’ai eu boeuf et âne, mouton, serviteur et servante …» (Berechit 32,6)

Rabbénou Be’hayé explique que Yaaqov utilise le singulier pour décrire ses biens “boeuf et âne, mouton, serviteur et servante”. Le juste ne se vante pas de sa richesse, comme il est dit “le riche ne se loue pas par sa richesse” (Jeremie 9). En revanche les réchaïm (les mauvais, les méchants) se vantent de leurs biens. Esaw dira “J’ai beaucoup”.

Rabbénou Be’hayé nous dit aussi que logiquement le mot “tson” = mouton aurait dû être en tête de l’énumération des biens. En effet, le mouton c’est le bien le plus noble. Quand le Pharaon veut enrichir Avraham, qui s’appelle alors Avram, il lui offre “mouton, boeuf et ânes” (Berechit 12,16). De même pour Yits’haq, on énumère les moutons en premier (Berechit 26,14). Pour Yaaqov aussi, dans la paracha de la semaine dernière on décrit son patrimoine en citant les moutons en premier (Berechit 30,43).


Rabbénou Be’hayé explique que Yaaqov ne pouvait pas commencer son énumération par le mouton, car cela aurait fait penser à l’épisode de la Bénédiction que Yaaqov a obtenu de son père Yits’haq au détriment de Esaw. Il n’a pas voulu donner une nouvelle occasion à Esaw de s’en prendre à lui.
Yaaqov, même s’il représente La Vérité, sait utiliser les mots pour faire passer son message. Souvent les personnes profondément vraies ne prennent pas de forme pour faire passer leurs idées. Elles sont tellement convaincues de la vérité, qu’il suffit pour elles de jeter la vérité aux yeux de l’interlocuteur pour être sûr de faire passer le message. Et bien non ! Même la vérité, il faut savoir la partager.

Alors que Lavan utilise les mots pour rouler son prochain, Yaaqov utilisera les mots pour partager la vérité.

Enfin Rabbénou Be’hayé cite le midrach qui rappelle que le Chor = boeuf / le taureau symbolise Yossef. Yaaqov commence donc son énumération par le chor pour faire une allusion à Esaw. Il lui dit : Yossef est déjà né, et c’est lui qui vaincra Esaw. Comme il est dit : “La maison de Yaaqov sera feu, la maison de Yossef flamme, et celle de Esaw sera de paille, ils le brûleront et le dévoreront, il ne restera rien de la maison d’Esaw, c’est D. qui le dit” (Ovadia 1, 18). Ce verset est tiré de la haftara que l’on lira ce chabbat.

וְהָיָה בֵית-יַעֲקֹב אֵשׁ וּבֵית יוֹסֵף לֶהָבָה, וּבֵית עֵשָׂו לְקַשׁ, וְדָלְקוּ בָהֶם, וַאֲכָלוּם; וְלֹא-יִהְיֶה שָׂרִיד לְבֵית עֵשָׂו, כִּי ה' דִּבֵּר


Chabbat Chalom,
Stéphane Haim COHEN

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