Pessah 5779

 

Vendredi soir, nous entrerons dans Pessa'h, la fête de la liberté.

 

Nous lirons la hagada. Nous raconterons la sortie d'Egypte. Mais avant cela nous remonterons aux sources.


3 Questions
1/ A l'origine, nos ancêtres étaient idolâtres. Pourquoi commencer par rappeler que nous étions idolâtres ?

2/ Pessa'h c'est aussi le début du peuple juif. Le peuple va quitter l'esclavage de l'Egypte, pour arriver sur sa terre après 40 ans d'errance dans le désert. On commence la hagada par la promesse faite à Avraham, lors de l'alliance « brit ben habétarim » (Berechit 15). « [D] Il le [à Avraham] fit sortir dehors » (berechit 15,5) pour lui annoncer, qu'il aurait une descendance, que sa descendance serait exilée dans une terre étrangère. Puis que le peuple sortirait avec une grande richesse, et retournerait sur la terre promise. Pourquoi cette alliance annonciatrice de l'esclavage et de la sortie vers la terre promise est-elle si importante ?

3/ Les Bné Israel ont été esclaves chez la plus grande puissance mondiale. L'Egypte qui adorait l'agneau en tant que divinité, avait les plus grands astrologues. Pharaon avait su que les Bné Israel seraient frappés par l'eau. Il s'est donc dit, autant noyer les nouveaux nés dans le Nil ! Pharaon. Il s'était trompé, en fait Moshé sera puni beaucoup plus tard lors du passage des eaux de la querelle : mé mériva. Pourquoi le passage en Egypte était-il indispensable pour la construction du peuple d'Israel ?

 

3 Réponses
 

Pessa'h, c'est la fête de la liberté. Mais qu'est-ce que la liberté ? Si je tiens une pierre dans la main et que je la lache, elle tombe. Cette pierre, même si elle bouge n'est pas libre de son mouvement, elle subit la force d'attraction de la terre.
Pour un homme, c'est la même chose. S'il n'agit qu'en fonction de son code génétique, il n'est pas libre. Si l'homme n'agit qu'en fonction de ses traits innés, il n'est pas libre. Il n'est le fruit que de ses gênes et de son environnement.
1/ Lorsque nous commençons la hagada en rappelant qu'à l'origine, nous étions idolâtres, nous  expliquons que nous étions emprisonnés, dans une certaine façon tordue de voir le monde et que nous avons su la dépasser. Si nous avions continué la voie tracée, sans remise en question, nous serions restés idolâtres. Pessa'h, c'est la fête de la liberté. Nous avons su devenir des hommes libres. Nous sommes des hommes, qui malgré le passif, avons pu quitter l'idolâtrie.

2/ Lors de l'alliance de brit ben habétarim, D. « a fait sortir avraham dehors » Le midrach explique, cité par Rashi, qu'Avraham a reçu l'ordre de sortir de ses caractéristiques innées « istagninout » Les astres disaient qu'il n'aurait pas de descendance. C'était écrit. Mais Avraham peut dépasser l'inné. Il peut dépasser les astres. La liberté, c'est sortir de ce à quoi on est prédestiné. Lors de l'alliance de brit ben habétarim, c'est D. qui annonce à Avraham la descendance. Mais, plus tard ce seront les anges qui annonceront la naissance prochaine de Yts'haq, et cela se passera le jour de Pessa'h (Rashi).
On nous explique encore la liberté : il est possible de battre le destin.
L'alliance de brit ben habétarim annonce la descendance, l'exil, et le retour vers la terre, pour nous montrer que le peuple en gestation sera le peuple de la liberté, celui qui doit pouvoir être plus fort que son destin. Un vrai homme est un homme libre. Comme dit le poète « pour que tu sois belle, il faudra que tu le deviennes, car tu n'es pas née jolie ».

3/ Comme un proche me l'a rappelé, les bné israel ont du sacrifier, l'agneau, la divinité egyptienne, lors du mois correspondant au signe astrologique de l'agneau (bélier). Les Bné Israel doivent comprendre que l'on peut dépasser le destin, et ce qui est écrit dans les astres. Les Bné Israel doivent passer par l'Egypte, qui est le chef de file des nations qui fondent tout sur l'astrologie :Tout est écrit, l'homme n'est pas libre.
Dans la hagada du Chla, on trouve l'explication « des secrets de l'agneau pascal ». Tous les détails de la mitswa ont pour objectif de nous séparer de cette idolâtrie. A titre d'exemple il a fallu griller l'agneau et non le cuire. En passant par le feu, on abaisse encore cette idole. Il ne fallait pas rompre les os de l'agneau, pour les laisser aux chiens. Mais comme les egyptiens, ne souhaitaient pas voir leur divinité profanée, ils ont ramassé les os et les ont enterrés. Les egyptiens eux mêmes ont donc éradiqué leur idolâtrie.
Ainsi, les  Bné Israel devront commencer à comprendre que l'homme est libre.
Pharaon avait su, grâce aux astrologues, que le sauveur d'Israel serait frappé par l'eau, donc on décide de noyer tous les nouveaux nés.
Les Bné Israel doivent comprendre que tout cela n'est que futilité, et que l'homme est tellement grand qu'il peut dépasser tout ce qui est écrit.
On demande donc de sacrifier l'agneau  le dieu egyptien, le signe astrologique du mois de nissan. Les Bné Israel doivent ainsi commencer l'apprentissage de la liberté.
D. est intervenu directement pour sauver les  Bné Israel. Et la Hagada insiste : « Moi et pas un ange, Moi et pas un séraphin, Moi et pas un envoyé ». Rav Its'haq Abrabanel, dans son commentaire sur la hagada précise que l'on remarque la présence divine sur terre, via 2 canaux. Des éléments sans libre arbitre, sans volonté, on peut les appeler les anges. Toutes les lois de nature sont ainsi. La loi est figée, on ne peut y déroger.
Il existe d'autres moyens, dotés d'une volonté, et d'un libre arbitre. Exemple : l'homme.
L'homme a été créé à l'image de D. au sens où il peut réfléchir, et il peut choisir. Lorsque c'est D. qui vient directement frapper l'Egypte, nous devons comprendre que D. nous montre l'exemple. Nous devons tenter de Lui ressembler. Nous devons réfléchir et être libre. Nous ne devons pas ressembler aux anges, qui n'ont pas de volonté propre.
Car devenir libre est loin d'être évident. Etre libre demande des efforts. La facilité, c'est d'avancer en roue libre. Pour devenir libre il faut le vouloir, sinon, nous ne serons que le fruit d'éléments innés.
Celui qui est libre, c'est celui qui réfléchit, qui remet en question ce qui est naturel. On dit que que les tables de la loi étaient gravées (HaRouTe), car la Torah, c'est 'HéRouTe, la liberté.
Avec la Torah, je suis doublement libre.
Tout d'abord, j'accepte des lois qui ne dépendent pas de moi, ce n'est plus l'inné qui commande (le moi), c'est la Torah qui est plus grande moi.
Ensuite, grâce à la Loi orale, je développe mon esprit critique. J'apprends à tout remettre en question. C'est ainsi que je vais devenir libre. Je devrai m'efforcer de réfléchir, de penser avant d'agir. Car c'est le fait de penser qui fera de moi un homme libre. Et la fête de Pessa'h me dit que c'est possible.
A Pessa'h, il convient de chasser le 'Hametz de la maison, mais que cela ne suffit pas. Il faut aussi chasser le 'hametz qui est en soi.

Qu'est-ce que le 'Hametz ? C'est un mélange de certaines céréales (le blé étant la principale) avec de l'eau, et que l'on a laissé fermenter. Le pain, c'est le 'hametz par définition. On l'obtient en mélangeant de la farine (de blé par exemple) avec de l'eau. On fait une pâte, que l'on laisse reposer… et cela devient du 'Hametz.
Pour résumer, le 'hametz naît de la non-action : la pâte devient 'hametz après un certain temps en d'inactivité.

L'homme a des tendances naturelles. S'il se laisse aller, ce sont ces tendances qui détermineront son comportement. L'homme n'est pas libre dans une telle situation. Naturellement, sans effort, il sera esclave.

En revanche, si cet homme décide d'agir, il pourra retrouver la liberté. S'il se prend en main, et fait des efforts pour questionner et se questionner, il chassera le 'hametz qui est en lui et deviendra véritablement libre.

Et, de la même façon que les  Bné Israel ont eu leurs chocs (les miracles) pour leur permettre d'ouvrir les yeux, nous aussi nous avons besoin de chocs, pour chasser le 'hametz qui est en nous.

Pessa'h, c'est aussi un choc salutaire, que nous devons utiliser à bon escient :  décider de conquérir toujours plus de liberté.

Stéphane Haim Cohen

Chabbat Chalom
Pessa'h Cacher VeSame'ah